on divorce : “Comment fonctionne un divorce amiable sans juge ?”
Maître Henry Bouchara :
“Un divorce amiable sans juge, comme on peut l’entendre dans la question, ça commence sans juge. Jusqu’à la réforme qui est intervenue il y a quelques années en arrière, il fallait déposer une requête conjointe auprès d’un juge.
Aujourd’hui, il suffit de contacter un avocat et chaque époux doit avoir son avocat, expliquer sa situation à son avocat qui va prendre attache avec l’autre époux et qui va proposer la rédaction d’une convention de divorce. Tout est prévu dans cette convention de divorce. Et si ça s’appelle un divorce par acte d’avocat, c’est précisément parce que pour aucun de ces aspects nous avons besoin de recourir aux juges.
Tout est négocié entre avocats, bien sûr, avec les clients. Chaque époux doit être assisté de son conseil, donc tant sur le principe, que la rupture elle-même, que sur ses conséquences. Les conséquences, c’est-à-dire ce qui relève de l’autorité parentale sur les enfants, s’il y a des enfants. Le partage des biens, et à ce moment-là, ça se fera également en ayant recours aux
services d’un notaire. La fameuse question de la prestation compensatoire«
on divorce : “Justement, sur cette question de la prestation compensatoire, qui peut y prétendre ?”
Maître Henry Bouchara :
“La prestation compensatoire a été mise en place par le législateur pour compenser une disparité de situation entre les époux. La loi considère que si un des deux époux s’est consacré plus que l’autre à la vie du foyer et n’a pas pu développer sa carrière comme l’autre époux a pu le faire et qu’il en résulte donc une disparité dans les revenus, dans les patrimoines des époux, qu’il faut compenser cette différence de situation et rééquilibrer la situation au moment de la rupture. Et donc, ça prend la forme du versement en principe d’un capital, mais ça peut être également, on peut prévoir dans la convention, une somme qui sera versée de façon échelonnée. Mais le principe, c’est le versement d’un capital qui va venir compenser cette disparité de situation.
on divorce : “En fait, ce que vous nous dites là, c’est que toute la partie patrimoine des époux est intégrée dans le calcul de cette prestation compensatoire”
Il ne faut pas confondre la liquidation de la communauté avec la détermination de la prestation compensatoire, mais le juge tient compte d’un certain nombre de paramètres.
Quand je dis le juge, c’est également les avocats dans le cadre de la négociation qui va amener à la rédaction de cette fameuse convention, donc on tient compte d’un certain nombre de paramètres qui sont les revenus, l’état de santé des époux, mais également les droits à la retraite, le temps qu’on a consacré ou qu’on n’a pas consacré justement à son activité et au développement de son activité professionnelle pendant le mariage parce qu’on en a été empêché, mais également, et c’est votre question, les patrimoines respectifs des époux parce qu’ils peuvent être mariés sous le régime de la séparation de biens et donc chacun à son patrimoine et évidemment, celui qui a pu travailler et a pu également épargner et donc se constituer un patrimoine propre pendant que l’épouse, le plus souvent, s’est davantage consacrée à la vie du couple ou à la vie de la famille. »
on divorce :”Et est-ce qu’il existe des barèmes ?”
Maître Henry Bouchara :
“Il est important justement de considérer que dans la loi, il n’y a pas de barèmes. Parce que le législateur, au départ, lorsqu’il n’y avait pas encore ce fameux divorce par acte d’avocat, a donné pouvoir aux juges, donc aujourd’hui aux avocats avec leurs clients de définir cette prestation compensatoire en fonction des différents critères. Et donc, il ne s’agissait certainement pas d’enfermer, que ce soit le juge, ou aujourd’hui les parties avec leurs avocats, dans un système de calcul parce qu’effectivement, les critères à prendre en compte les paramètres sont tellement différents d’un dossier à un autre qu’on a voulu justement laisser la possibilité d’apprécier les situations.
Donc vous allez trouver effectivement des barèmes de calcul qui sont proposés dans différents sites Internet, des barèmes qui sont proposés par les praticiens du droit, mais personne ne pourra dire que tel barème s’impose et s’imposera systématiquement.”
on divorce : “Vous, dans votre pratique, quelle formule utilisez-vous ?“
Maître Henry Bouchara :
“Dans ma pratique, je ne vais pas me cantonner à l’application d’une méthode de calcul. Je vais beaucoup travailler avec la jurisprudence et donc les cas similaires que je vais trouver dans ma pratique et dans la pratique judiciaire pour pouvoir définir au mieux, en fonction des intérêts de mon client ou de ma cliente, la méthode qui sera la plus adaptée à sa situation. »
on divorce : “Donc, ça veut dire que, par exemple, prenons l’exemple d’un couple, Karim et Clara, qui sont mariés depuis dix ans. Karim gagne 3 000€ par mois et Clara, en gagne 1500. À quoi peut prétendre Clara ?“
Maître Henry Bouchara :
”Le cas que vous m’énoncez à l’air simple. Toutefois, il y a beaucoup de choses qu’on ne sait pas et je commencerai à poser des questions parce que Clara, on ne connaît pas son état de santé. On ne connaît pas non plus l’état de santé de l’époux. On ne sait pas si elle a dû interrompre son activité professionnelle ou si elle a la capacité de travailler. Mais encore une fois, je pense que ce serait une erreur de présenter une méthode de calcul et d’indiquer aux justiciables qu’en fonction des données que vous me proposez ici, votre prestation compensatoire sera de tant. C’est quelque chose qui s’étudie, et s’étudie avec davantage de critères et qui va se définir en fonction de l’étude, de la jurisprudence, mais également des méthodes de calcul. Donc il faudra évaluer au plus près la situation de l’épouse et des époux pour parvenir à la fixation de cette prestation compensatoire.
on divorce : “En fait, ce que vous conseillez, c’est de vous rapprocher de votre avocat pour justement déterminer au mieux le mode de calcul adapté et puis de prendre en compte tous les éléments pour vous conseiller.“
Maître Henry Bouchara :
« Je le conseille d’autant plus de se rapprocher de son avocat, que je me suis rendu compte plus d’une fois qu’en recevant les gens, ces derniers ne savaient pas ce qu’était précisément la prestation compensatoire. On confond un peu tout, on confond la pension alimentaire, on confond la pension au titre du devoir de secours avec la prestation compensatoire. On croit souvent que la prestation compensatoire, c’est versé ad vitam aeternam une pension à son épouse, à son ex-épouse en l’occurrence.
Or, la prestation compensatoire, elle est là pour, au moment de la rupture, mettre fin, compenser ce déséquilibre dont on parlait. Donc, effectivement, c’est un domaine où le justiciable, sans avoir recours aux conseils d’un avocat, aura bien du mal à définir ce à quoi il peut prétendre. »
on divorce : “Quels sont les différents modes de versement de la prestation compensatoire ?“
Maître Henry Bouchara :
“La loi prévoit que la prestation compensatoire est versée en principe sous forme de capital. Capital, c’est une somme d’argent qui vient compenser cette disparité de situation entre les deux époux.
Cette somme d’argent peut être versée de façon échelonnée en huit ans maximum. Maintenant, la loi prévoit également la possibilité, alors elle enfermait cette possibilité dans des conditions qui étaient assez restrictives par rapport à l’état de santé de la personne qui devait percevoir cette prestation compensatoire, une possibilité de la verser sous forme de rente viagère.
Aujourd’hui, dans le cadre d’un divorce à l’amiable, on peut prévoir cette modalité de versement de la prestation compensatoire. Au lieu de verser un capital versé à la personne qui en est bénéficiaire, une rente viagère ».
on divorce : « Est-ce qu’on peut demander la révision du montant de la prestation compensatoire ?«
Maître Henry Bouchara :
« Puisqu’on est dans un divorce à l’amiable et que dans un divorce à l’amiable, tout doit être prévu dans la convention. Cet aspect, et donc la possibilité de réviser la prestation compensatoire, doit également être prévue dans la convention, c’est-à-dire que les époux, en cas de changement de situation, peuvent prévoir qu’ils pourront, en fonction de différents critères, modifier le montant de la prestation compensatoire ».
on divorce : “Est-ce que le montant calculé de la prestation compensatoire serait différent avec un juge ? Est-ce que ce serait plus avantageux pour le bénéficiaire ?“
Maître Henry Bouchara :
“L’avantage dans un divorce à l’amiable, effectivement, c’est que les différents points qui concernent les conséquences de la rupture, y compris la prestation compensatoire, sont entre les mains des époux conseillés par leur avocat. C’est-à-dire que lorsqu’ils veulent arriver dans des délais relativement brefs à un divorce qui va bien se passer parce qu’il est librement négocié, alors effectivement, quel que soit les dires, le montant et les modalités qui auront été définis à partir du moment où elles auront été choisies, elles seront acceptées. Et donc, ça, c’est un point qui est important. »
on divorce : “Maintenant, vous me dites dans le cas que vous m’avez présenté, est-ce qu’elle pourrait prétendre obtenir plus d’un juge ?“
Maître Henry Bouchara :
« Non, pas forcément. Au choix, évidemment, il vaut mieux avoir recours à un divorce par acte d’avocat, par consentement mutuel, parce que ce qu’elle pourrait obtenir d’un juge, parce qu’il n’est pas certain qu’elle obtienne plus d’un juge, pas certain du tout. Et le recours au juge n’aurait qu’un seul intérêt, c’est en cas de blocage. C’est-à-dire que si manifestement, vous avez un des deux époux, le plus souvent l’épouse, mais pas forcément qui, objectivement, a le droit à une prestation compensatoire à cause de sa situation et se heurte à un blocage à un moment donné. Ça peut arriver, et à ce moment-là, elle pourra avoir recours au juge et le juge en fonction des différents critères fixera cette prestation compensatoire. Mais si les deux époux sont correctement conseillés, si les deux époux ont eu recours aux conseils d’un avocat, celui qui, normalement, doit être débiteur de la prestation compensatoire aura compris qu’il ne pourra y échapper parce que c’est la loi qui le prévoit. Donc, si les discussions ne vont pas à leur terme, effectivement, le juge fixera une prestation compensatoire et ça peut être plus désavantageux que ce qu’il aurait librement choisi de régler au titre de cette prestation compensatoire. ».
on divorce : “La demande de prestation compensatoire, est-ce qu’elle engendre un surcoût du divorce dans le cadre, que ce soit consentement ou un contentieux ?“
Maître Henry Bouchara :
“Un divorce dans lequel il y a des aspects financiers importants demande une technicité. Un divorce sans biens, sans enfants sans demande de prestation compensatoire, ce n’est pas la même chose qu’un divorce avec une prestation compensatoire, avec des biens à partager. Ça nous demandera plus de temps. Raison pour laquelle, effectivement, c’est plus coûteux. Parce que c’est pour défendre les intérêts des parties. Oui, bien entendu, parce qu’il ne faudra négliger aucun aspect et que lorsqu’un client vous sollicite avant tout pour reconnaître quels sont ses droits, il faut aborder toutes les questions que sa situation engendre. »